Melmoth, l’homme errant

par Alexandre 11 Mars 2005, 00:00 Libris

Melmoth, l’homme errant

Ce qu'il y a de plus étrange avec Charles Robert Mathurin (en passant, le grand-oncle d'Oscar Wilde), c'est qu'il soit à ce point tombé dans l'oubli… Qui le connaît encore aujourd'hui ? Qui parmi ses rares lecteurs peut citer le titre d'un autre de ses livres (Fatale Vengeance, Bertram, etc.) ?

C'est pourtant un auteur majeur de par son influence dans la littérature gothique, romantique et fantastique qui a eu son heure de gloire à cette époque avec Bram Stocker (et son Dracula), Horace Walpole, Ann Radcliffe, Monk Lewis, etc.

Baudelaire, Balzac (qui continua Mathurin avec son Melmoth réconcilié), Lautréamont, Villiers de l'Isles-Adam, André Breton, Antonin Artaud, s'en sont inspirés et l'ont maintes fois cité.

Polémiste anti-catholique, adversaire déterminé de l'union anglo-irlandaise, Maturin demeure avant tout l'auteur de Melmoth. D'une grande complexité structurelle, c'est un des livres les plus difficiles à résumer qu'il m'ait été donné de lire.

« Cet authentique chef-d'œuvre du genre fantastique qui renouvelle le thème faustien de la révolte et de la soif de connaissance, est avant tout une fascinante fable métaphysique où le révérend Mathurin donne un relief éclatant au drame de l'homme déchiré entre des aspirations contradictoires. » (Claude Fiérobe).

Melmoth le personnage, mélange de Juif Errant, de Faust, de Solal, de vampire, de diable méphistophélien ou parfois même luciférien.  Incarnation du mal, il reste un personnage romantique, qui donc ne s'en réjouit pas, c'est un personnage tragique, qui subit son destin. Lorsqu'il tombe amoureux (d'une jeune fille pure bien sûr, attraction classique des contraires, du Ciel et de l'Enfer), il s'agit forcément d'un amour maudit qu'il va corrompre lui-même, c'est son destin. La définition de l'amour qu'il donne à Isadora (pourquoi les héroïnes romantiques ont toujours des prénoms aussi ridicules – à  l'instar de la Marguerite de Faust ?) reste un chef d'œuvre que je vous laisse découvrir.

La « présence » de ce sombre personnage est encore renforcée par son absence du roman. On ne le côtoie jamais directement. Roman à tiroirs, il s'agit d'un recueil de récits, de témoignages. Six histoires y cohabitent et s'imbriquent : le Songe de l'homme errant, qui place le décor ; l'histoire de Stanton, où le narrateur, cloîtré dans un asile d'aliénés, introduit le thème de la damnation ; le récit de l'espagnol, probablement le plus terrible et dramatique ; l'histoire des indiens, pose l'amour contradictoire de Melmoth et le conflits qui en découlent avec son rôle de tentateur ; l'histoire de Guzman, qui narre l'histoire de sa famille déchirée ; l'histoire des amants, conclusion tragique et désespérée de l'aimée de Melmoth qui ne survivra pas à cet amour.

D'aucuns diront que Melmoth est l'œuvre gothique la mieux aboutie. Toutes les thématiques chères au genre sont exploitées et poussées à leur paroxysme : « des cachots de l'inquisition aux jungles impénétrables de l'Inde, de la damnation à l'amour. Sentiments à leurs extrêmes, déchirements cornéliens. » Quoiqu'il en soit, Melmoth reste un grand classique de la littérature fantastique, et probablement l'un des plus forts. Incontournable.

 

commentaires

M
<br /> Bonjour,<br /> Ravie de voir mon article cité en référence dans un article littéraire !<br /> Pourriez-vous m'indiquer comment vous l'avez découvert?<br /> Cordialement<br /> Delphine MdL<br /> <br /> <br />
B
Lecture extrêmement réjouissante en effet. Fatale Vengeance est excellent lui aussi. Le seul malheur est qu'il s'appelle ainsi à cause de l'éditeur qui exigeait un titre accrocheur, vendeur...
C
Sa structure labyrinthique a de quoi dérouter, mais son auteur a réussi l'exploit de fusionner une multitude de genres tout en créant un romantisme gothique epoustouflant de noirceur. Entre le roman d'amour et la satire religieuse, Melmoth est un électron libre de la littérature à découvrir d'urgence!<br /> Félicitation pour votre site.

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